"MAGIQUE ! "

Note de service du 10-6-2022
Le programme d'enseignement de spécialité d'arts du cirque de terminale s'appuie sur un programme limitatif national composé de deux éléments qui peuvent être : une œuvre de cirque (spectacle ou numéro) ; un artiste ou un cirque ou une compagnie ; une discipline ou une famille de disciplines de cirque ; un thème ; une question. Le professeur conçoit et met en œuvre les situations d'enseignement en référence au programme limitatif national.
Pour l'année scolaire 2023-2024, le programme limitatif national est composé des deux éléments suivants :
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une œuvre de cirque : Cirque ici - Johann Le Guillerm : Le projet attraction, une œuvre en évolution ;
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un thème : Magique !


L'expression consacrée " c'est la magie du cirque!" ne signifie pas nécessairement la présence de tours de magie dans le spectacle.
Chacun d'entre nous pressent qu'elle évoque un cocktail de sensations qui renvoie à un sens plus large: le magique, à la fois féérique, rêvé, fantasmé, mimésis ou encore éphémère.
- la féérie de certains décors qui se parent d'étoiles, de paillettes, de lumières, de musiques et maquillages et comme pour nous entraîner dans une dimension céleste, scintillante qui ont pu faire dire à Jean Genet dans le Funambule que " le cirque transforme la poussière en poudre d'or",
- le rêve matérialisé par un univers et quelques personnages imaginaires ou mythiques. Il fait dire à Bernard Kudlak, Cirque Plume, que le cirque c'est "la nostalgie du paradis",
- le fantasme qui provient à la fois de l'attirance parfois érotisée et de la projection du spectateur vers des personnages à qui il s'identifie,
- l'illusion comme contrat accepté par le spectateur qui croit à la mimesis des conventions théâtrales,
- l'apparition/disparition éphémère d'un chapiteau dans son espace quotidien. Comme le souligne le titre du livre biographique de la famille Gruss "Bâtisseurs de l'éphémère" dans lequel l'historienne Natalie Petiteau pointe le fait que le cirque laisse peu de trace.
Pourtant, le cirque est un art du corps, de l'acte réel où l'interprète prouve ses prouesses sans artifice.
Le numéro de cirque se joue d'ailleurs volontiers à 360° ce qui rend le tour de magie difficile à présenter avec ses traditionnels paravents, trappes et autres écrans de fumée. Même le théâtre qui est un jeu en partie factice connaît un courant réaliste, plus authentique comme dans le "théâtre du Réel" à volonté sociales d'Augustin Boal, ou les performances expérimentales hic et nunc.
Le cirque n'est pas souvent ancré dans le factice et son principal ressort se situerait à l'endroit où le vrai est incroyable, inimaginable...mais bel et bien vrai. Le magique y opère malgré tout par sa fugacité, sa poésie, sa remise en question des normes.
Il se trouve aussi que la magie de spectacle est parfois rentrée dans les spectacles de cirque qu'ils soient de tradition ou de création. L'histoire de la magie reste principalement en dehors du cirque et elle véhicule des imaginaires, des principes, des architectures et esthétiques bien singulières. Les chemins de ses deux arts se croisent parfois mais toujours autour de la mise en scène de l'extraordinaire.

La magie de spectacle a depuis les années 2000 opéré une même mutation que celle du nouveau cirque dans les années 80. Comme pour lui, elle a été initiée par des artistes français qui ont redonné un élan de jouvence à cette discipline du spectacle.
Un de ses fameux initiateurs, Raphaël Navarro, qui se veut rassembleur, dit d'ailleurs que la magie n'est pas une discipline à proprement parler mais un concept transversal qui irrigue de nombreux champs comme le fait la poésie, l'humour, l'acrobatie, l'absurde ou l'abstraction. Ils n'appartiennent à personne ou plutôt à tout le monde.
La principale particularité de cette magie nouvelle réside dans le fait qu'elle modifie la place du public et le fait quitter une position de soumission et d'infériorité pour l'émanciper.
Ainsi Thierry Collet projette d'éclairer le public en partageant les techniques d'influences qui, bénignes en scène, deviennent toxiques dans les mains du marketing, de l'idéologie ou du sectarisme.
La magie nouvelle est au service d'un propos, parfois politique et n'est plus une manipulation mais plutôt un facteur révélateur. Il souligne notre lien avec la vérité et parfois même, comme dans les illusions d'optiques, les limites de nos perceptions où le vrai et le faux s'emmêlent entre nos yeux et notre cerveau. C'est bien une poétique de l'épistémologie qui se cache dans le ressort magique.
